La patience de Campbell
par Andrew Podnieks|08 AVR. 2023
La gardienne Kristen Campbell était en uniforme comme substitut dans le match contre la Tchéquie, mais elle investit toute sa passion dans son rêve de devenir la gardienne partante du Canada.
photo: Francois Laplante / IIHF
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Le hockey est un sport de compétition dominé par les athlètes les plus compétitifs du monde, mais même parmi ces joueurs élites, peu ont la vocation et la détermination à long terme de la gardienne de but canadienne Kristen Campbell. Elle ne veut pas gagner en raison d’une mauvaise défaite subie la veille, le mois passé ou l’an dernier —elle veut gagner en raison d’un revers survenu… il y a huit ans
 
Campbell faisait partie de l’équipe des moins de 18 ans du Canada en 2015 et même si la formation a disputé le match pour la médaille d’or, elle est repartie avec l’argent. 
 
« C’était il y a un bout! s'est exclamée Campbell. C’était à Buffalo, dans l’État de New York, et ç’a été une expérience vraiment très spéciale pour moi de pouvoir arborer la feuille d’érable pour la première fois et de jouer avec les meilleures joueuses du pays. C’est indescriptible quand tu as ta première occasion parce que, évidemment, tu aspires à jouer avec l’équipe senior un jour. On a fini par perdre en prolongation face aux États-Unis et je suis restée avec un arrière-goût dans la bouche. Depuis ce moment, je veux continuer dans le programme et remporter l’or. » 
 
De ce fait, Campbell, originaire de Brandon, au Manitoba, a été membre de l’équipe qui a signé les trois dernières conquêtes de la médaille d’or du Canada, mais à titre de troisième gardienne de l’équipe. Oui, c’est satisfaisant, mais pas encore assez pour la joueuse de 25 ans motivée et déterminée. Pour elle, les mots « or » et « partante » doivent être dans la même phrase pour qu’elle puisse réaliser son rêve. 
 
« C’est un processus, a-t-elle poursuivi. Rien n’est facile et rien ne t’est offert sur un plateau d’argent à ce niveau. Même les gardiennes avant moi ont vécu des expériences et leurs propres défis à relever. Chaque personne a un parcours différent. J’ai toujours ça dans ma mire. J’ai eu un peu d’expérience à l’international en jouant les matchs de la Série de la rivalité contre les États-Unis l’an dernier, j’ai obtenu ma première victoire contre les Américaines et j’ai aussi affronté la Finlande à mon premier match, que nous avons gagné. J’ai eu un peu d’expérience en dehors des Mondiaux, mais ce qui me motive à continuer, c’est de savoir qu’un jour, je serai devant le filet pour démarrer un match du Canada. C’est mon objectif ultime et tout ce que je fais tourne autour de ça. » 
 
La patience de Campbell est née de l’expérience. Elle a joué cinq ans au hockey universitaire après cette défaite chez les moins de 18 ans et est passée d’une gardienne au bas de l’échelle à championne de la NCAA. Ce fut un parcours incroyable, mais ça n’a pas été une ligne droite et ça ne s’est pas produit en claquant des doigts. 
 
« J’ai joué à North Dakota pendant deux ans et le programme a fermé ses portes, a-t-elle dit. Je vois mon parcours universitaire comme celui que je vis en ce moment. Quand j’étais à North Dakota, j’occupais le poste de troisième ou quatrième gardienne de l’équipe. Ils me voyaient comme partante un jour et je travaillais en ce sens. Quand le programme a cessé ses activités, Mark [Johnson] m’a offert l’occasion d’être partante au Wisconsin. Je pense avoir amorcé plus de 120 matchs en trois ans. Ç’a été assez génial. »  
 
Le transfert de Campbell des Fighting Hawks aux Badgers n’est toutefois pas seulement attribuable à l’entraîneur Johnson; il semblerait que ce soit un heureux hasard qui arrive à tous les champions.  
 
« À mes premiers Championnats des moins de 18 ans à Buffalo, l’entraîneuse adjointe était Jackie Crum et elle était aussi entraîneuse adjointe au Wisconsin. Alors quand le programme de North Dakota a été fermé, elle m’a contactée et dès qu’elle l’a fait, je savais que j’allais saisir cette occasion. C’est une des meilleures écoles de hockey des États-Unis et quelques-unes des meilleures joueuses sont passées par là », a expliqué Campbell. 
 
Fait incroyable, Campbell est devenue gardienne numéro un presque immédiatement et en 2018-2019, elle a connu une année digne des livres d’histoire. Elle a affiché un bilan de 35-4-2 et a été parmi les 10 finalistes pour le prix Patty Kazmaier. Au tournoi du Frozen Four, elle est devenue la première gardienne de l’histoire de la NCAA à inscrire trois jeux blancs d’affilée, n’accordant aucun but sur l’ensemble de la compétition. Cela a conduit à un gain de 4 à 0 contre Syracuse en quarts de finale, un de 5 à 0 face à Clarkson en demi-finale et une victoire de 2 à 0 pour les grands honneurs, aux dépens des Golden Gophers du Minnesota.  
 
« En tout, j’ai eu des rôles de troisième, de réserviste et j’ai été partante, a résumé Campbell. Peu importe ce que je vis, je sais que je vais le gérer. Remporter un championnat national et tout ce que j’ai vécu m’a confirmé que je suis sur le même chemin que j’ai toujours suivi. » 
 
Après avoir obtenu son diplôme au Wisconsin, Campbell s’est jointe à la PWHPA. De plus, elle a été la troisième gardienne au Championnat mondial féminin de l’IIHF en 2021 et 2022, aux Jeux olympiques en 2022 et maintenant ici à Brampton. Son attitude est une partie essentielle de son caractère et de sa popularité dans le vestiaire. 
 
« Au cours des derniers tournois, je n’ai pas été devant le filet, mais j’ai eu une influence sans que ce soit basé sur mes performances. Je pense que ça contribuera grandement quand j’obtiendrai ma chance, sachant que j’ai tout fait ce qu’il m’était possible de faire avec cette équipe et que je suis devenue une leader. Quand tu joues un rôle comme celui-là, tu en profites vraiment et tu dois être complètement impliquée, apporter de l’énergie aux filles. Au bout du compte, le succès de l’équipe dépend de tout le monde. D’avoir cet œil extérieur et voir des choses chez les autres gardiennes, cela me permet de donner quelques conseils aux filles. » 
 
Les conseils, c’est bien, mais comme Campbell le sait, la clé, c’est de travailler fort dans les entraînements, autant pour elle que pour ses coéquipières. 
 
« À l’entraînement, je dois faire de mon mieux et être difficile à affronter, de manière à être prête quand j’aurai mon occasion. En même temps, je rends mes coéquipières meilleures, les forçant à mieux lancer et n'accordant pas de buts faciles. » 
 
Évidemment, les joueuses veulent jouer et Campbell ne cache pas ses ambitions, son objectif, sa confiance et ses rêves. 
 
« Je sais que ça viendra à un moment, a-t-elle dit avec une détermination sympathique, mais d’acier. J’ai fait confiance au processus toute ma vie et ça m’a menée où je suis maintenant. Le message de l’entraîneur a été que la croissance qu’il a vue en moi depuis que j’ai été retenue au sein de l’équipe olympique a été énorme. Je n’ai peut-être jamais disputé un match à l’international, mais j’ai percé la formation pour les Jeux olympiques. Ils voient que je me dirige dans la bonne direction et je sais que je peux sauter sur la glace et remporter des matchs. Parfois, ce n’est toutefois pas si simple. Il n’y a que quelques rencontres dans un tournoi et on est trois. L’entraîneur sait que mon but est d’être partante au sein de cette équipe et je dois maintenir le rythme de mon parcours et me mettre en valeur et comme ça, mon occasion viendra. » 
 
Elle viendra et Campbell sera prête. Elle est déjà passée par là et le vivra à nouveau. Elle a attendu huit ans; elle peut bien attendre un peu plus, si nécessaire.